Solukhumbu Trail 2010 Étape de liaison Taksindu - Kharikhola
Solukhumbu Trail 2010 Étape de liaison Taksindu - Kharikhola
Mardi 16 novembre
Liaison en rando de Taksindu (2960 m) à Kharikhola (2270), +400m / -1250 m
J'ai bien dormi ! La meilleure nuit depuis le début de la course, mes pulsations au matin sont retombées aux alentours de 50 pulsations/minute au repos (les jours précédents c'était 60 pulsations/minute). Je maitrise enfin un peu mieux les ficelles du métier...euh non du duvet, fini les yoyos "trop chaud trop froid" désormais c'est de l'optimisation thermique en temps réel ! Le seul pipi aura lieu à 5h30, il ne fait pas trop froid à cette altitude (2960m).
Première fois aussi que la visibilité dépasse les 100m, ici à Taksindu. Après une séance de rasage bien nécessaire à la fontaine, je décide de chiner à droite à gauche quelques clichés de paysages dans Taksindu. La proximité du monastère fait que les monuments religieux sont àfoison ici. Le lever du soleil est particulièrement apaisant dans cet environnement, un vrai petit bonheur avec en prime la sensation d'être partie prenante dans une émission d'Arte ou BBC consacrée aux voyages.
Les chants et prières s'enchainent, Pasang nous apporte thé et beignets en pleine cérémonie. C'est vraiment très diffèrent de nos messes en occident ou tout est en retenue et discrétion. Ici nous pouvons prendre des photos (pas de façon trop ostentatoire il est vrai). L'ancien maitre de Dawa assiste également à la cérémonie, mais c'est bien le cousin de Dawa, Lama Rinji Sherpa qui mène le bal.
(photo raspa)
J'allume ma bougie devant l'ancien maitre de Dawa (photo Raspa)
Chaque traileurs et membres de l'organisation vont allumer leur bougie avant de faire les offrandes à l'ancien Lama. J'aurai juré voir le vent thermique créé par celles ci faire voleter les pages des textes sanscrits placés à quelque mètres de hauteur. Ces textes représentent notre passé, futur et présent. Nos bougies nous ont elles désigné les évènements qui ont et vont nous arriver ? Eh bien, me voila bien perdu dans de drôles de pensées !
Comme je suis situé près de l'autel, je propose de prendre quelques photos avec les appareils des uns et des autres entrain d'allumer leur bougie. J'ai pu essayer brièvement le Nikon D700 de Julien (flashsport), mama mia, j'avais l'impression d'être dans le cockpit du rafale tant cela clignotait dans tous les sens ! Retour sur terre, nous allons faire des offrandes à l'ancien maitre de Dawa, nous joignons au Kata (l'écharpe blanche) quelques billets d'argent.
Nous prenons le petit déjeuner après près d'1h30 d'une Puja mémorable. C'est un copieux menu ou se mêle corn flakes, tsampa, lait, céréales. Dawa et Annie accompagnent certains traileurs dans une magnifique petite pièce au fond du monastère. C'est là que Dawa a passé son enfance en tant que moinillon. Les couleurs de la pièce sont incroyablement belles, je regrette vraiment de n'avoir pas pu prendre mon reflex, il y aurait vraiment matière à faire des photos qui rendent hommage à ce lieu tant chargé d'histoire.
Dawa commence à raconter des anecdotes qu'il a vécu dans cette pièce lorsqu'il était qu'un gamin espiègle mais déjà déterminé. Annie est la pour le relancer sur tel anecdote à notre grand bonheur. Une facette de plus qui nous fait apprécier encore plus le personnage.
Pascal vient voir les progrès du projet de dispensaire avec CapChulemo dans lequel il est parti prenante. Ayant fait l'édition 2008 du solukhumbu trail, il peut voir les progrès effectués deux ans après. Dans ses yeux brille l'espoir d'un aboutissement prochain. Il faut maintenant former les moines à la médecine occidentale car le recrutement de l'infirmière initialement prévue pour faire fonctionner le dispensaire se révèle plus ardu.
Nous partons de Taksindu pour Kharikhola en marche de liaison sur les coups de midi. La première descente mène nos pas au hameau de Chulemo, et plus particulièrement à la maison du frère de Dawa et la maison de ses parents. Nous sommes royalement accueillis, thé, pomme de terres cuites au feu avec une sauce d'accompagnement typique (mais pas celle spéciale lèvres de feu;)). Il règne ici un étrange parfum de garden party ici à Chulemo.
Solukhumbu Trail 2010 chez le frere de Dawa a Taksindu
Pierre prend la pose devant la vallée ou nous allons descendre
Chulemo ce nom ne vous dit peut être rien, mais pour nous coureur celui ci est indissociable de l'association Cap Chulemo (Construire Accueillir Preserver Chulemo, cofondée par des traileurs et Dawa Sherpa) qui oeuvre pour le développement du village de ce canton Taksindu. Au delà de l'accueil exceptionnel que nous réserve les habitants de Taksindu, CapChulemo donne ici une idée de la rude réalité du quotidien.
Nous avons aussi l'honneur de visiter la maison natale de Dawa, puis celle de sa sœur. Justement Dawa Sherpa (le neveu, 2nd de la course actuellement) se plie en quatre pour nous accueillir dignement. Nous avons droit à un gâteau fait de tsampa et de beurre, en fait c'est à l'attention de Dawa (Dachhiri, vous suivez ?) en l'honneur du mariage du fils de sa demi sœur qui a eu lieu récemment, Dawa (Dachhiri était convié mais il était en Europe). C'est l'occasion rêvée de pouvoir discuter d'autre chose avec notre staff, Pemba m'a raconté que des rebelles maoistes (maintenant au pouvoir dans une coalition d'improbable extrême) avaient élu villégiature dans son village. Pemba et d'autres avaient du fuir, descendre dans la vallée. L'armée régulière avait engagé le combat et il y a eu 7 maoistes morts dans la bataille. Pemba a du reconstruire sa maison détruite à la grenade. C'était il y a 4 ans...Actuellement, les maoistes menacent de reprendre le maquis car la nouvelle constitution a du mal à aboutir. Le Népal marche toujours sur le fil du rasoir. Nous nous arrêtons, très souvent pour prendre le thé, visiter les maisons, un peu de culture sherpani s'est ancrée en nous.
A force de boire du thé, ma vessie doit se soulager sous peine d'explosion, je vais au petit coin en essayant quand même de ne pas pisser sur le champ de patate comme certain (bon peut être qu'ils ne savent pas ce que c'est qu'un plant de pomme de terre). C'est à ce moment que Akuna Bolt se fait de nouveau gnaker, cette fois ci par un petit chien noir, grrrr ! (voir ici)
Bah ! Même pas mal, et mes booster ne sont pas déchirées. Je vais désinfecter à l'éosine illico presto la rayure sur la carrosserie.
Notre prochaine étape est le village de Takdak où nous découvrons l'école primaire, quelques élèves ici sont scolarisés grâce à l'aide de Capchulemo (voir la situation de scolarisation au Népal ici), un enfant en moyenne coute 300 euros/an à scolariser, plusieurs traileurs de la 3eme édition vont aussi parrainer des enfants l'an prochain. C'est aussi un objectif du solukhumbu trail, au delà de l'aspect sportif il y a bien la dimension humaniste qui est en filigrane. En nous présentant son pays, sa vie, ses habitants et leur culture, Dawa a su candidement instiller en nous sa volonté d'aider son peuple.
Nikos en touriste
Nous passons le pont des martyr avec ses drapeaux rouges communistes. Point le plus bas de notre marche de liaison, il faut remonterà Kharikhola. Cette partie du chemin est de toute beauté, comment ne pas tomber sous le charme de ces lodges au jardins décorés de fleurs multicolores ? Un vrai petit paradis perdu, saisissant. Je pense au vers de William Blake :
et le Ciel dans une Fleur Sauvage,
Tenir l’Infini dans la paume de la main
Le diner est vraiment bon et copieux (frites, riz cantonnais), une petite alerte gastrique pour moi, je prends vite un cachet d'imodium (peut être la banane achetée au paradis perdu ?). Ce ne sera qu'une alerte sans conséquence, ouf ! Tout s'enchaine sans répit car c'est maintenant l'anniversaire de Jérémie, il a droit à des tonnes de mars et twix plus un gros gâteau d'anniversaire concocté par les cuisiniers du staff. Dawa, de sa voix posée, nous annonce qu'il y a une petite fête pas très loin et qu'on peut y aller. Je suis un peu explosé et la journée a été riche en terme de rencontres. Je suis avec Alain, Pascal et Thierry entrain de siroter une bière Everest et nous nous apprêtons à laisser couler la soirée en pente douce. Je vois Dawa qui s'assoie à notre table, et qui nous relance sur la petite fête à coté. Bon ok, on continue à siffler tranquillement nos bières, mais Dawa est toujours là ? Thierry et moi allons faire un tour à cette petite fête du coup...Nom d'un petit bonhomme, petite fête ? Il y a au moins 200 personnes réunies autour d'une scène, tous les solukhumbers sont déjà là ! Je mets ma cape d'invisibilité (comment cela ca n'existe pas ? ) pour traverser la place et je me place sur le coté, malheureusement, près du haut parleur. Je ne suis pas le seul à avoir du retard, Stéphane et Thomas vont être obligés de se mettre carrément devant le haut parleur.
Alors démarre une longue introduction en anglais du speaker, je ne sais pas si c'était voulu mais la technique a mis un écho, et c'est dans une ambiance de boite de nuit très eighties que les discours vont se tenir. Au bout de dix minutes je n'ai saisi que trois mots: project, program,dawadachhiri, mince moi qui croyais que j'étais bon en anglais. Tous les coureurs se tournent vers Mark et le pauvre, les sourcils froncés en une intense concentration, montre une expression de total désarroi. Il ne comprend rien non plus. Après vingt minutes de discours enflammé, fidel castro, (oui, je l'appelle fidel castro maintenant) fait monter Annie et Dawa sur la scène. Puis une première danse folklorique nous met dans le bain. Nous tapons des mains pour accompagner les danseurs et aussi parce qu'on se pèle méchamment. Puis Fidel ressort son cahier à discours et se met à débiter du népanglais à la tronçonneuse. Là, on commence à frôler le ridicule, tous les solukhumbers sont morts de rire à chaque fois que Fidel ressort les mots school, program, project, taksindu. On se console avec les danseurs et les danseuses qui eux sont vraiment bons. Enfin vers 23h30, le spectacle est fini et nous sommes invités à venir danser sur la scène. Je crois qu'on a tous sauté sur l'occasion pour se réchauffer, et mazette l'ambiance était folle ! Mark se lance dans un défi danse avec un népalais, je mets la fonction stromboscope sur ma frontale, aaah ca fait du bien de se défouler.
Minuit déjà ? A ce qu'il parait il y a une course demain mmmh ? 8h00 pétantes, départ pour Phakding. Quelle journée en Dawaland !
Akuna
les photos de l'étape sont ici