Solukhumbu Trail 2010 Étape 7 Thamé - Langden

Publié le par Akuna

Solukhumbu Trail 2010 Étape 7 Thamé - Langden
vendredi 19 novembre
Étape 7 : Thamé (3800m) - Lungden (4380m), 10 km / +700 m / -100 m

J'ai pass
é une nuit dé-plo-rable ! Mes pulsations ont flirté de nouveau avec les 60 batt/min au repos. Ce fut une nuit d'un genre nouveau pour moi. Les dieux népalais ont été taquins avec moi en m'enlevant mes rêves vers les 23h30. J'ai cru entendre leurs paroles..."bienvenue au "ma khumbu night fever" la discothèque la plus haute du monde qui vous fera tourner la tête à en perdre haleine".C'est pas que j'aime aller en discothèque mais tel que c'est parti le "ma khumbu" m'a refilé une promo sur les cours de danse avec Shiva...ca tangue haut, j'ai du mal à respirer, et mon cerveau a l'intellect d'un jaune d'œuf (non, je ne suis pas tombé amoureux !).

Lever à ... non, réveil à 23h30, petite danse cosmique avec Shiva, petit déjeuner (beignets, œufs, thé, café) à 7h30, sac porteur 7h30 pour un départ à 9h30 (une vraie grasse matinée). Normal, c'est la plus petite étape du trail aujourd'hui: 10 km pour 700 m D+ seulement. Une façon d'amortir la grosse étape d'hier. Nous remontons la vallée dans laquelle coule la rivière Bote Koshi. L'an dernier Dawa nous annonce que les premiers ont mis environ 1h.

En attendant les 9h30, je commence mon tour du groupe des coureurs. Il s'agit d'atténuer, à mes yeux, une petite injustice qui pénalise jour après jour les mêmes coureurs. Rappelez vous le premier jour, nous nous somme vus attribuer un porteur pour toute la durée de la course. Et ceux ci sont loin d'être tous du même niveau. Ce qui fait que grossièrement, ce sont toujours les mêmes coureurs qui ont des soucis d'attente de sacs à la fin des étapes. Cela a son importance, car bénéficier d'un porteur rapide et être soi même rapide (le cas le plus favorable) permet d'avoir immédiatement à l'arrivée ses affaires de douches, de faire sa lessive et profiter de la meilleure fenêtre météo pour faire sécher ses affaires, de se changer avec des affaires optimales en regard de la température. Si vous avez lu les chroniques précédentes, vous comprenez que la récupération joue un rôle très important et qu'elle commence dès que la course s'arrête. Les conditions de cette récupération deviennent cruciales en début de cette seconde semaine dans le "makhumbu".

L'astuce est la suivante, il suffit d'échanger, comme dans une bourse, des "kilos de sac porteur". Un coureur qui a un porteur rapide propose d'échanger 1 ou 2 kg de son sac porteur qui ne lui servent pas pour l'après midi à sa récupération, lessive, affaires chaudes etc..Un coureur qui a un porteur lent et qui sur les longues étapes doit attendre son porteur jusqu'à 18h demande d'échanger 1 ou 2 kg de son sac porteur lent. Il échangera bien évidemment ses affaires de douches, peut être une doudoune aussi. Le tout est que l'échange soit transparent en terme de kg pour les porteurs. Cette idée de bourse a suscité diverse réactions, d'autres étaient pour d'autres contre. Intéressant de constater que la ligne de fracture se faisait sur l'autonomie versus l'assistanat. Effectivement, il y avait des arguments recevables de part et d'autres. Certains coureurs (dont moi) ont leurs affaires de douches dans leur sac coureur, et pensent (pas mon cas) que les coureurs doivent s'organiser seuls pour être autonomes au niveau de leur conditions de récupération. Ce point de vue était plutôt partagé par des coureurs rapides expérimentés et qui avaient des sacs coureurs comprenant pas mal de matériel. La grosse majorité des coureurs n'avait pas besoin de ce système de bourse au kg car leur porteurs de toute façon étaient de niveau moyen et arrivaient peu ou prou en même temps qu'eux. Petit à petit, je prends des noms de donneurs et demandeurs. Je suis content que ce débat soit un peu lancé, j'avais l'espoir en commençant cette initiative que certains pénalisés par un porteur lent réfléchissent au système et trouvent par eux mêmes un coureur.

J'en ai brièvement parlé à Dawa et il n'y voyait pas d'inconvénient du moment que c'était géré par les coureurs. D'ailleurs sous l'impulsion de Patrick et Dawa, l'organisation encourage les coureurs à designer un "représentant" ou "ambassadeur" afin de faire remonter les soucis ou initiative de tout ordre. C'est vrai que Dawa est bien occupé, sa gentillesse et disponibilité naturelle l'empêche parfois de prioriser les nombreuses taches d'un directeur de course. L'important dans ce rôle est d'être au contact du groupe afin de sentir l'atmosphère et de faire remonter les possibles suggestions (organisation d'anniversaires, modification de parcours etc...). A ce jeu là Béa Didi fut pressentie ambassadrice du groupe des rapides, et Béa et Romain l'air de rien ont pensé à François Bajé et à ma pomme pour le groupe des lents. François est malheureusement malade depuis quelques jours et s'accroche comme il peut à rester dans l'épreuve. Caramba, quid de ma stratégie de remonter comme une flèche au classement en seconde semaine ? Une stratégie que j'ai cachée à tout le monde et qui devait me permettre de remporter l'épreuve au nez et à la barbadawa. Je dois donc me sacrifier, Uttar Kumar, Dawa et Nikos ont eu de la chance... Il devait y avoir une élection, mais le temps presse, Béa et Akuna sont chocolat...hum non ambassadeurs.

 

 


Avant le départ, une petite vidéo de notre superbe lodge hier ou nous avons vu une seconde fois l'expédition de Philippe au Makalu.

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vue du Teng Ragi Tau (6950 m) et du Parchumo en face depuis Thamé

Départ pour Langden du premier groupe, dans la première montée nous sommes photographiés sous tous les angles par Philippe, Julien, Dawa et Babis. Il fait soleil mais déjà quelques nuages semblent poindre deci delà. La température est fraiche sans être mordante. La remontée vers langden est plaisante, les pourcentages de pentes à double digit de la veille sont absents ici à notre grand plaisir. La vallée où coule le Bhote Koshi est très belle, les couleurs terre, azur et la blancheur des neiges éternelles ravissent nos regards.


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le village de Hungma et son magnifique stupa kyaro gumpa

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Dikcho, Maralung, Sojap, on a pas le choix, tous ces villages sont au dessus de 4000 m, Langden culmine à 4380 m !

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Nous croisons quelques caravanes de Yak avec leurs gardiens d'origine tibétain aux singuliers visages burinés par le soleil d'altitude et percés de boucles bijoux extraordinaires. Des visages que l'on ne voit pas ailleurs. Ils arpentent ces durs chemins du commerce depuis des temps immémoriaux entre la Chine, Tibet et Népal.

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Charly, habituellement dans le groupe des rapides, s'est joint à notre groupe. Malheureusement, il a troqué sa forme étincelante de conquistador contre les moins envieux oripeaux du touristador...Bernard (Caroux des kikourous), qui pourtant avait bien couru la veille, s'est vu prescrire du diamox au début de l'étape. Il commence une longue pénitence aujourd'hui, le médicament le fait hyperventiler au moindre mouvement et lui enlève toutes forces.
Quant à moi, la makhumbu danse a légèrement résonné dans mon crane, et s'est résorbée au fur et à mesure de l'étape. Je suis très précautionneux suite à la nuit passée. C'était vraiment un "wake up call";-) il ne faut pas être Einstein pour réaliser que je suis en dette d'oxygène et qu'il va falloir écouter son corps plus que d'habitude. Le principal inconvénient est que cette première expérience de la haute altitude a tendance à brouiller les cartes. L'effort ne fait pas suivre forcément la respiration, alors les muscles souffrent, la précision des gestes est affectée sans que l'on sache vraiment si c'est la fatigue ou l'altitude, la soif, l'appétit la pipilogie (je viens de l'inventer) sont bouleversés. Bref, tout une cartographie de sensations à rebrancher dans le bon sens.

Je m'arrête quelques minutes pour faire des essais de photo pour le sponsor, mais plus de batterie ! Il ne m'en reste plus qu'une chargée, et dire que je ne peux utiliser mon chargeur solaire bozo que je suis. D'ailleurs, sur le parcours il y a plein d'endroits pour recharger son portable, APN, PC pour quelques centaines de roupies. Les népalais ont bien compris l'importance de nos aides mémorielles électroniques et en font désormais un service payant dans leur lodge.

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(photo Raspa) J'en termine avec Charly et Stéphane. Ces deux là, du team trail aurillac, sont deux amis dans la vie
et ils vont organiser la projection du film solukhumbu trail 2010 suivi d'une conférence au profit de l'association courir au Népal, le 22 janvier prochain en présence d'Annie, Dawa, Philippe et bien d'autres. Mais cela Charly ne le sait pas encore, il lutte vraiment et Stéphane et moi lui tenons compagnie sur cette fin d'étape.

Cette étape courte a rétréci singulièrement l'étalement habituel d'arrivée des coureurs. Les chronométreurs ont fort à faire, mais moins que les chargés d'hébergement qui ont sur le dos des dizaines de coureurs leur demandant une chambre. La pression d'autant plus forte qu'une petite partie d'entre nous ne pourra jouir d'une chambre en lodge et devront passer une nuit en tente collective. A 4380 m d'altitude, c'est une expérience dont je me passerai volontiers, alors je zappe pas mal de choses pour faire du chasse lodge, je ne quitte pas d'une semelle Dawa qui a une tripotée de clés à sa dispo. Il n'y a pas d'annonce formelle du style "à 12h on va distribuer les clés, ou les plus malades auront droit aux chambres", c'est ici (et au Népal en général) la flexibilité, l'opportunité qui prévaut sur la planification dans les détails. Il ne faut pas faire preuve d'ethnocentrisme exagéré, c'est simplement le comportement le plus adapté ici. Je me retrouve dans une chambre avec Max, Julien le photographe et Christian de Tahiti, on a des toilettes dans notre chambre, quel luxe (en fait, c'est une nécessité tant la température descend la nuit), nous sommes au dessus de la salle principale du lodge synonyme de nuit enfumée (rien de dangereux je vous rassure).

Après avoir sécuriser les murs du dodo, il faut sécuriser le dodo du cerveau. Je parle de ma nuit aux docs, ils me demandent si j'ai pensé à me mettre en position semi assise pour mieux respirer. Non leur répondis-je benoitement...Aaaargh, le genre d'erreur montrant que tu n'es pas au max au niveau comprenette et mémémoire. Pascal me conseille de faire une tentative de sieste avant toute aide médicamenteuse, et cela marche, 2h de sieste réparatrice, je suis aux anges car cela signifie à ce moment que ma dette d'oxygène s'est fait rachetée par un dieu bienveillant.

Nous prenons tous...enfin non pas tous le déjeuner dans la pièce centrale. Et c'est le déclencheur d'un phénomène rare qui arrive une fois tous les millénaires dans cette contrée. Dawa s'est mis en colère ! De sa voix toujours posée et douce, mais avec un rythme bien plus saccadé et rapide, Dawa peste contre les retards de certains au repas (quelques uns ont pris leur douche chaude au lieu d'assister au repas). Il nous demande fermement de suivre les horaires de repas (effectivement, cela obligent les cuisiniers a refaire certains plats). Une mise au point tellement inhabituelle qu'on entendait une mouche voler au Rinjo Pass...

La température à l'extérieur commence à dégringoler même en plein après midi. Tout le monde s'amasse dans la pièce centrale du lodge chauffée à la bouse de yak séchée. On mutualise notre chaleur mais en corollaire aussi nos microbes, et certains depuis Béni en trainent de sacrément tenaces. Si j'avais eu à refaire cette partie, j'aurai passé moins de temps là dedans ou alors j'aurai pris un masque anti pollution. D'ailleurs Dawa, Pemba et d'autres népalais l'ont bien compris, et portent un masque pour ne pas être contaminés ou contaminer d'autres personnes. C'est la norme aussi dans de nombreux pays d'Asie.

Les chants népalais résonne de nouveau, et malgré la place réduite, des danseurs commencent à mettre une excellente ambiance. Je continue à voir du monde pour ma bourse d'échange de Kg, au final j'ai pu rapprocher quatre demandeurs et offreurs et cela a fait mon jour. Au menu du diner de ce soir, pâtes à la sauce tomate, soupe et de superbes pomme de terre grillées du Khumbu (celles ci sont très réputées dans tout le Népal, et du coup j'ai eu un cours de patatologie par Charly...une histoire d'enterrement, mais rien de triste, il y a même un improbable tambour de lave linge dans son explication de patates pour les nuls).

Le briefing de Dawa est complété intelligemment par Béa Didi qui nous fait un croquis du profil. Tout le monde écoute religieusement car ce sera pour beaucoup nos premiers 5000m et une étape introduite comme la plus dure rencontrée jusqu'à présent. C'est un peu angoissant de retrouver cette dernière phrase jour après jour...Demain lever 6h, sac porteur et petit déjeuner 6h30 et départ 7h30.

Inch Allah pour passer une bonne nuit.
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Ma prière n'a pas été entendue, réveil à ...22h30 ! J'aurai du dire Namaskar Shiva. Symptômes similaires à la nuit dernière, une apnée du sommeil avec la la cle un essoufflement d'une dizaine de respirations avant de revenir à la normale. Étrange comment l'organisme lutte contre le manque d'oxygène, le sommeil paradoxal (la phase de rêve) est très consommateur d'oxygène, alors l'organisme coupe brutalement la respiration et le sommeil s'interrompt pour le moins brutalement. Cela ne résout pas mon problème actuel. Me voila à demi assis dans mon lit, avec 8h30 à glander, il fait 1 degré dans la chambre, pour couronner le tout j'ai trop chaud dans mon duvet. J'ai sommeil mais vraiment pas, mais vraiment pas envie de me réveiller avec la sensation d'avoir un linge humide sur les voies respiratoires et de faire le poisson hors de l'eau pendant dix respirations avant de ne plus étouffer. Alors je me refais mentalement tout le séjour depuis Kathmandu, le hic c'est que ca ne dépasse pas la seconde journée...Je me réveille en hypoxie sévère, bon sang... ceux qui finissent leur vie en insuffisance respiratoire, quelle malédiction ! Bon ca marche pas trop le coup des souvenirs pour rester éveillé...Je visualise un compteur virtuel...et je compte mes respirations...mon record est de 129 !

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La plupart du temps, je vais a peine jusqu'au chiffre 20, j'ai beau me concentrer mon inconscient me fait dévier dans des pensées annexes puis sombrer dans le sommeil. Et rebelote c'est reparti pour une danse au makhumbu sur l'air de la chanson "recherche air désespérément". La nuit s'égrène lentement 23h30, 1h07, 2h23. Chaque vérification sur mon mobile est une déception synonyme de plongée puis retour pénible en surface. Bienvenue en hypoxieland.

Akuna

Publié dans Trail

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